Plaidoyer pour la réouverture de la chapelle de la Sorbonne

Au cœur du quartier latin, animé par les étudiants de Paris se dresse le symbole de la plus vieille université de France, la coupole de la chapelle de la Sorbonne.
En décor de fond de la place de la Sorbonne, où se retrouvent touristes, jeunes et riverains, s’ouvre cette majestueuse façade d’entrée, dont les portes restent tristement fermées. Pourtant cet édifice reste au coeur de l’histoire de la Sorbonne. Qui n’a pas en mémoire ces images en noir et blanc de mai 68 filmées devant la chapelle, qui n’a pas en mémoire ce bel héritage du passé désormais aujourd’hui presque condamné.
Héritage qui nous vient tout de droit du cardinal de Richelieu – personnage mythique de l’histoire de France – étudiant, thésard puis proviseur de la Sorbonne voulant soutenir ses étudiants fit reconstruire la chapelle médiévale Sainte Ursule en 1635. Chef d’œuvre du XVIIeme siècle, d’une architecture classique exceptionnelle, conçu par les artistes les plus talentueux de leur temps, elle abrite aujourd’hui des trésors malheureusement insoupçonnés. Édifiée sur les plans de Jacques Lemercier, architecte du roi Louis XIII, couronnée par une des plus anciennes et des plus belles coupoles de la capitale, ornée de fresques uniques en France de Philippe de Champaigne, servant d’écrin au tombeau de Richelieu, grand chef d’œuvre de la statuaire française sculpté par François Girardon, conservant les restes du cardinal.
Cette actuelle fermeture ne sera, nous l’espérons que temporaire, nous serons les d’Artagnan de notre temps, dans notre volonté de partager à Paris, à la France et au monde ce joyau du XVIIème siècle. En 2015, le logo de l’université de la Sorbonne Paris I Panthéon-Sorbonne adopté fut celui du dôme de la chapelle mais cela ne restera-t-il qu’une simple façade ?

Une brève histoire de la chapelle de la Sorbonne

La chapelle de la Sorbonne est un lieu familier des étudiants et promeneurs parisiens. Lorsqu’en 1622 le cardinal de Richelieu décida de donner au collège de la Sorbonne un nouveau visage, il choisit en effet de faire de la chapelle Sainte-Ursule le cœur de la nouvelle université. Il remit à l’architecte Jacques Lemercier la tâche d’en faire un modèle de l’architecture classique : la chapelle adopte ainsi un plan centré, ses volumes se répartissent de manière symétrique autour d’une coupole conférant à l’ensemble une luminosité exceptionnelle. Sa décoration fut confiée au peintre Philippe de Champaigne, dont quelques œuvres sont toujours visibles sur le dôme de la coupole. Elle est achevée dès 1642 et abrite depuis 1694  le mausolée du cardinal de Richelieu, sculpté par François Girardon. Elle constitue ainsi un témoin unique de l’architecture religieuse classique du Paris du XVIIe siècle.

Depuis sa construction, la chapelle connut cependant une histoire aventureuse, en raison de son statut tout à fait particulier dans le paysage cultuel parisien. Elle fut une première fois saccagée au cours de la Révolution française et resta dans un état de délabrement jusqu’en 1808. Restaurée à plusieurs reprises, notamment par le duc de Richelieu qui rétablit la messe annuelle de requiem donnée en mémoire de son illustre ancêtre en 1822, elle fut une nouvelle fois fermée en 1906 au lendemain du vote de la loi de séparation de l’Église et de l’État. En 1957, le tribunal administratif de Paris choisit d’en ôter la vocation cultuelle. Cette décision conduisit à un progressif désengagement des autorités de l’Université à l’égard de la chapelle : sa dégradation se poursuivit jusqu’à la tempête de 1999, qui occasionna des dégâts tels qu’une nouvelle campagne de restauration, achevée en 2010, dut être effectuée.

Ces aléas historiques n’empêchèrent cependant pas les étudiants et les représentants de l’Université de réinvestir constamment ce lieu exceptionnel. Un orgue tout à fait unique y fut installé par Louis-Paul Dallery en 1825, qui continua d’animer les célébrations jusqu’en 1885. L’instrument attend toujours sa rénovation. Au début des années 1950, des messes animées par les étudiants de la Sorbonne continuaient d’y être célébrées. Jusqu’au début des années 1980, des expositions y étaient présentées à l’intention des étudiants et promeneurs du quartier latin. Le lieu a indéniablement un potentiel exceptionnel. Aujourd’hui, il est pourtant employé comme entrepôt par l’administration de l’Université, alors même que la rénovation du lieu, effectuée à partir de fonds publics, a rendu le lieu adapté à sa réappropriation par les étudiants de l’Université. C’est cette porte close qu’il s’agit dorénavant de réouvrir afin de réinvestir un lieu qui fut d’abord conçu pour les étudiants de la Sorbonne.